La Société Historique de La Province du Maine et sa revue
C’est en 1925 que notre société prend le nom de Société historique de La Province du Maine, le chanoine Ledru en est le président et le chanoine Bruneau le vice-président. L’assemblée générale du 26 juillet 1926 en présence du cardinal Dubois confirme cette nouvelle appellation recouvrant en fait une seule activité, la publication d’une revue, fondée en 1893 mais qui ne prit le nom de La Province du Maine qu’en 1894[1] . Ils poursuivaient le même but, selon l’abbé Lemeunier : « Reproduire les précieuses chroniques de la Province et publier une série de notices sur les principaux édifices religieux du diocèse[2]. »
La cheville ouvrière, c’est le chanoine Ambroise Ledru. Après son décès, le chanoine Bruneau, en tant que président d’honneur, a continué à s’occuper de la revue et de la Société jusqu’à sa mort en 1944. Le futur cardinal Dubois et les deux chanoines du Mans, Ledru, un grand chercheur et Bruneau, un grand bâtisseur ont créé cette revue pour étudier l’histoire et le patrimoine de l’église dans le Maine mais dès l’origine la revue s’est intéressée à l’histoire et au patrimoine de la province, sans oublier les créations de leur époque : eux-mêmes ont soutenu ces créations et les collections de la Société, quelques églises du Maine en sont aussi les témoins.
Les Fondateurs (1893-1944)
La fondation de la revue
Á la fin du XIXe siècle deux sociétés savantes existent en Sarthe, la Société d’Agriculture Sciences et Arts de la Sarthe, héritière du Bureau royal d’agriculture du Mans, créé au XVIIIe siècle et la Société historique et archéologique du Maine, fondée en 1875, les deux sociétés publiant chacune une revue. Parmi les collaborateurs de la Société historique et archéologique, il y a un jeune abbé qui, après avoir vécu quelques années à Paris, revient avec une moisson de documents recopiés aux Archives nationales. Il est soucieux d’une certaine indépendance. Il a rencontré deux autres jeunes abbés, l’abbé Dubois, et l’abbé Bruneau qui dirige une petite revue L’Union littéraire et artistique. Tous trois décident de se lancer dans une nouvelle publication, ce qu’explique ainsi l’abbé Ledru au Mayennais abbé Angot, qu’il a rencontré à Paris : « Nous serons chez nous et n’aurons aucun bureau pour nous embêter…On se meurt au Mans, il faut secouer les savants de la Revue du Maine qui pontifient autour des cendres refroidies de la reine Bérengère[3]. »
En 1893 les abbés Bruneau, Ledru et Dubois fondent ainsi une revue qui porte le nom d’un petit bulletin, L’Union historique et littéraire du Maine, avec un sceau inspiré d’une ancienne monnaie des comtes du Maine et sa devise SIGNUM DEI VIVI. Dans ce premier numéro les trois fondateurs rappellent qu’en 1793 on brûle les vieilles archives et l’on envoie à Paris les objets du culte. En 1893, on recueille religieusement, écrit-il, « les épaves des siècles passés, comme autant de témoins des goûts, des tendances artistiques et littéraires de nos ancêtres ». Ils semblent privilégier dans leurs études l’histoire et l’archéologie religieuses sans vouloir se limiter à ces objets de recherches. En 1893, l’évêque du Mans, monseigneur Labouré, à la demande d’interdiction de création de la revue, accepte cependant cette nouvelle publication mais lui interdit de prendre le nom que les fondateurs souhaitaient lui donner. Dès 1894, après le départ pour Rennes de Mgr Labouré, ils peuvent donner à leur revue le titre qu’ils voulaient, celui d’une revue publiée par l’abbé Lochet de 1845 à 1849, consacrée au patrimoine et à l’histoire religieuse du Maine La Province du Maine[4].
En 1899 ils fondent la Société des Archives historique du Maine créée pour l’édition des textes anciens et importants de la Province. Les trois fondateurs remettent la revue à cette société dont ils deviennent membres du bureau, l’abbé Ledru est nommé directeur de la revue avec comme président le comte Bertrand de Broussillon. Celui-ci, qui s’appelait à l’époque Arthur Bertrand, avait été candidat à la présidence de la SHAM mais il avait été battu par dom Piolin le 23 novembre 1883 : certains le trouvaient trop autoritaire[5]. Cette société va éditer douze volumes de 1900 à 1913, tout en assurant le développement de la revue et le patronage des Archives du Cogner de Julien Chappée.
En 1912 une crise grave éclate après un article contesté du chanoine Ledru, qui est écarté et l’abbé Busson devient directeur de la revue. En 1914 la revue arrête sa publication (22 volumes) et en 1916 le chanoine Ledru lance Souvenirs sarthois et manceaux de la Grande Guerre avec ses anciens collaborateurs, préparant ainsi, selon l’abbé Lemeunier, la résurrection de la revue.
Le 26 février 1920, l’assemblée générale de la Société présidée par le vicomte Menjot d’Elbenne fait le point : l’ancien président, le comte de Broussillon et l’abbé Busson sont morts, les frais d’imprimerie sont très élevés, l’idée d’une fusion avec une autre société savante est envisagée mais finalement un nouveau bureau est constitué : une nouvelle équipe est réunie autour de Julien Chappée, président, Ledru et Bruneau vice-présidents et la revue repart avec comme titre La Province du Maine et Le Souvenir manceau de la Grande Guerre. Les Archives du Cogner continuent les publications des anciens textes. En mai 1922 pour empêcher toute fusion, la Société est officiellement reconstituée sous le nom de Société des archives du Cognerprésidée par Julien Chappée, l’abbé Ledru est nommé secrétaire et Chappée fait entrer au bureau un de ses collaborateurs, Camille Delétang, comme trésorier.
1925, création de La Société historique de La Province du Maine
Une nouvelle crise éclate en 1925 : Julien Chappée démissionne et la Société du Cogner est dissoute mais les fondateurs, pour maintenir leur Revue, créent le 21 décembre La Société historique de la Province du Maine : le chanoine Ledru en devient président, le chanoine Bruneau vice-président et l’abbé Charles Girault secrétaire ; Camille Delétang reste trésorier. Le 26 juillet 1926 le cardinal Dubois, présent au Mans pour ses 25 ans d’épiscopat, assiste à l’Assemblée Générale et la revue sort un numéro spécial exceptionnel à cette occasion. En 1927, à l’instigation du chanoine Bruneau, le cardinal achète la maison canoniale Saint-Jacques pour en faire le siège social de la Société et de la revue. Le chanoine Bruneau en dirige la restauration[6] avec Camille Delétang.
Le cardinal Dubois avait fêté son jubilé sacerdotal à Saint-Calais le 25 août 1929 : il n’avait jamais oublié sa ville natale ni la revue qu’il avait fondée, malgré son éloignement du diocèse du Mans. Sa mort, le 23 septembre 1929, fut profondément ressentie par les fondateurs et les collaborateurs de la revue. En 1933 le chanoine Ledru doit à nouveau quitter la direction de la revue sur injonction épiscopale, après ses articles contestés sur Jeanne d’Arc : le chanoine Bruneau, président en titre, doit assurer la direction de la revue et de fait la trésorerie. Pendant cette période l’abbé Baret entre dans la revue dont il devient un des rédacteurs. Elle a alors 300 abonnés.
La Province du Maine face à la guerre
En 1935, Gustave Singher, président de l’ACO et bienfaiteur de la Société, est choisi comme président élu après le décès d’Ambroise Ledru en 1935 et il le reste jusqu’à sa mort en 1947. C’est le bureau qu’il préside qui a décidé de l’avenir de la revue annoncé aux abonnés dans le numéro de janvier-mars 1940 qui s’intitule Bulletin de guerre et l’éditorial écrit par le trésorier Camille Delétang se présente ainsi :
Premier communiqué de guerre :
Nous continuons.
Pendant la première guerre, la revue avait cessé de paraître et la reprise fut très difficile. Cette décision a sans doute assuré la pérennité de la revue après la guerre. Camille Delétang est devenu ensuite l’un des membres dirigeants de la Résistance dans le Maine et il fut, avec Suzanne Busson, un des derniers déportés de la Sarthe. C’est le plus modeste des trois fondateurs, le chanoine Bruneau, qui a véritablement assurer le fonctionnement de la revue depuis sa résidence de Champfleur : il meurt le 6 juin 1944 entouré des religieuses dont il était l’aumônier et au Mans c’est l’abbé, puis chanoine, Baret qui va assumer la survie de La Province du Maine.
Avec le chanoine Bruneau disparaît le dernier survivant des trois fondateurs mais on voit apparaître des laïcs dans la direction de la Société et aussi un jeune abbé, le futur chanoine Baret qui va incarner la Société et la revue, avec l’abbé Lemeunier.
Après les fondateurs
On peut distinguer deux périodes pendant ces années qui suivent le décès du chanoine Bruneau : la première, incarnée par le chanoine Baret et l’abbé Lemeunier mais avec parfois des présidents laïcs à la tête de la Société ou de la revue et depuis 1988, la seconde, où la continuité de la Société et de la revue est assurée par des présidents laïcs et une présence moindre du clergé, se traduisant par un élargissement des thématiques de la revue. Cette évolution correspond aux objectifs des fondateurs et de leurs successeurs car dès le début de son histoire notre revue s’est intéressée aux domaines artistiques, littéraires et scientifiques, sans se limiter au patrimoine religieux : l’idée de créer des cahiers d’art et d’histoire avait même été envisagée. C’est dans cette voie que va s’engager la nouvelle direction de notre Province du Maine.
Les premiers successeurs : Albert Rinjard et Camille Delétang
En 1948 un nouveau bureau est élu : un avocat Albert Rinjard est choisi comme président et il le reste jusqu’ à sa mort en 1964. L’abbé Charles Girault et Camille Delétang sont nommés vice-présidents. Albert Rinjard était un ami du cardinal Dubois et calaisien comme lui. Après ses études de droit, il prend la succession de son père comme avoué au tribunal de Saint-Calais, ce qui lui assure une grande aisance financière et lui permet de s’adonner à sa grande passion, la collection d’oeuvres d’art et de bibliophilie. Après la disparition du tribunal de Saint-Calais il s’installe au Mans comme avoué et avocat et fait de sa maison de la rue des chanoines un véritable musée.
Dans l’article qu’il lui consacre dans La Province du Maine[7] le chanoine Baret mentionne rapidement le drame familial vécu par Albert Rinjard : sa sœur, Léonie Lancelin fut une des deux victimes des sœurs Papin. Il insiste surtout sur les voyages réguliers que faisait son ami aux puces de Saint-Ouen et chez un libraire du boulevard Saint-Germain. Il précise aussi qu’il fut un excellent président, ainsi dans la gestion des locataires et dans les rapports avec les pouvoirs publics mais, souligne le chanoine, il ne s’occupait en rien de la revue. Il y a publié quelques articles et d’autres à La Revue Paladienne éditée par son libraire parisien, car il était resté très attaché à son quartier latin[8]. Il faut cependant relever parmi cette production la conférence qu’il fit à Saint-Calais sur le cardinal Dubois « petit calaisien » devenu grand diplomate et grand évêque.
Ce sont donc le chanoine Baret et l’abbé Lemeunier qui gèrent la revue : en 1955 le chanoine Baret devient vice-président et l’abbé Lemeunier secrétaire général, trésorier.et directeur de la revue. Lemeunier écrit que, pendant 10 ans lui et le chanoine Baret, malgré leurs charges ecclésiastiques respectives, « vont lutter ensemble dans une collaboration totale à la rédaction et à l’administration de la Revue[9] ». Cela a continué sous le successeur d’Albert Rinjard, Camille Delétang, qui lui succède en 1964 et qui reste président jusqu’à sa mort en 1969.
Camille Delétang est nommé président le 19 mars 1964 par le Conseil d’Administration de la Société historique de la Province du Maine. C’est un juriste qui a fait ses études de droit à Caen et qui s’est retrouvé pendant la première guerre mondiale, après sa sortie de l’hôpital de Toul, nommé au centre de mécanothérapie à l’abbaye Saint-Vincent du Mans. Après la guerre, il devient collaborateur de Julien Chappée dans la fonderie Chappée et lorsque Julien Chappée est nommé président de la Société des archives du Maine, il y fait entrer son jeune collaborateur, qui devient trésorier en 1922. Selon l’abbé Frédéric Lemeunier, Camille Delétang a assuré la réorganisation de la Société en 1927, soutenu l’achat de la maison canoniale Saint-Jacques et surveillé sa restauration.
Il a quitté Le Mans pendant quelques années mais l’abbé Lemeunier nous rappelle qu’il a repris son poste à partir des « années difficiles ». Il écrit l’éditorial du premier numéro de 1939 sous le titre « Entre nous » où il montre à la fois le rayonnement de la revue au-delà du Maine mais aussi les difficultés financières et il envisage l’hypothèse de visites archéologiques[10]. Mais évidemment, c’est son éditorial de janvier 1940 publié avec comme titre du Tome XX-Bulletin de guerre, en sous-titre du numéro : Premier communiqué de guerre et le mot d’ordre Nous continuons[11]qui marquent l’histoire de la revue.
Pour Camille Delétang, son engagement a été au-delà puisqu’il fut un des responsables de la Résistance dans le Maine, ce qui luiavalu d’être déporté à Buchenwald et à Bergen-Belsen, où il dessina ses compagnons déportés : ses dessins ont été retrouvés en 2012, ils sont désormais conservés au mémorial de Dora. Il revient au Mans le 11 mai 1945 et après plus d’un an de convalescence, il reprend ses activités nationales bénévoles comme président de la Fédération nationale André Maginot des anciens combattants et en juin 1946, il devient vice-président de la Province du Maine[12].
Camille Delétang a peu écrit dans la Province du Maine. L’on peut penser que, comme Albert Rinjard il a laissé le chanoine Baret et l’abbé Lemeunier gérer la revue et la Société. Á sa mort, en 1969, c’est d’ailleurs le chanoine Baret qui est choisi comme président, l’abbé Lemeunier étant président-adjoint, trésorier et directeur de la revue.
Le chanoine René Baret (1970-1987)
Deux hommes ont été les piliers de la revue, des années 40 à leur mort, en 1986 pour l’abbé Lemeunier et 1987 pour le chanoine Baret.
Ce dernier a très jeune une vocation sacerdotale et par suite de l’opposition de son père à son entrée dans les ordres, il fait ses études à l’Institut catholique de Paris dont il revient avec trois licences ; théologie, scolastique et philosophie. Il est ordonné prêtre par le cardinal Grente en 1930 à 25 ans et il est nommé en 1931 professeur de philosophie au petit séminaire de La Flèche mais ce cours étant supprimé, il est nommé professeur d’histoire au grand séminaire du Mans, enseignement pour lequel il n’a pas été vraiment formé. Il faut cependant noter qu’il a rencontré le chanoine Ledru aux archives départementales de la Sarthe, qui lui a confié un travail très austère. L’abbé Baret ne l’a jamais achevé. Il va également rencontrer le chanoine Bruneau à cette époque.
Il faut souligner que son rôle a été surtout très important à la rédaction d’un journal hebdomadaire catholique fondé en 1934 : il s’occupe des faits divers avant d’en devenir éditorialiste. En 1938 il devient secrétaire général de La Province du Maine, en 1942 la direction de La Dépêche du Maine lui est confiée par le cardinal Grente et il en garde la direction jusqu’en 1963[13] : le futur chanoine Baret apparaît ainsi pour l’essentiel comme un journaliste au service de l’Église puisqu’il a continué après la guerre à assumer ces deux fonctions. Il participe dès le numéro 2 à La Vie mancelle où il donne de 1960 à 1988 deux cent douze contributions centrées sur les trésors des églises du Maine ou sur les châteaux de la Sarthe mais on peut noter des articles plus personnels sur ses souvenirs de guerre, sur son entrée dans le journalisme ou sur ses rencontres avec quelques grands personnages[14]. Il a publié plus de 60 articles dans La Province du Maine de 1933 à 1986 sans compter ses articles sur l’armorial ecclésiastique sarthois depuis le concordat.
Parmi les numéros que l’on peut noter pendant cette période, il faut citer le premier fascicule du tome XXXIII consacré à un hommage au cardinal Grente, à l’occasion de son élévation au cardinalat et, la même année, le numéro du soixantenaire, dernier fascicule de l’année 1953 où l’on trouve des hommages à La Province du Maine de Gabriel Le Bras, Robert Latouche Gabriel Lepointe et Georges Lefebvre. Dans le même numéro, nous pouvons lire un article de Charles Girault où il raconte ses souvenirs et impressions, un autre de René Baret sur le chanoine Ledru et surtout celui qu’il consacre à l’hôtel du cardinal Dubois offert par le cardinal à la Société historique de La Province du Maine. Il faut relever en particulier que le chanoine Baret tenait beaucoup à rappeler et sans doute à expliquer son rôle pendant la guerre à la tête d’un journal et d’une revue culturelle puisqu’en 1983, il consacre un article entier à l’histoire de la revue pendant la guerre. Il y souligne aussi que la direction du journal l’a aidé dans le fonctionnement de la revue[15].
Il faut évidemment associer au chanoine Baret l’abbé Frédéric Lemeunier, entré lui aussi à la revue avant la guerre. Il y revint à son retour de captivité, avant même qu’il décide d’entrer dans les ordres, malgré les problèmes que pouvait lui poser le latin. L’abbé Lemeunier disparaît un an avant le chanoine Baret et il assumait à la fois la présidence adjointe de la société, la trésorerie et la direction d’une revue à l’époque trimestrielle et bien sûr l’écriture de très nombreux articles. Il a également publié, à l’occasion du centenaire de la guerre de 1870 le tome XVI des Archives historiques du Maine, Sarthois pendant l’année terrible 1870- 1871, ouvrage qui aurait mérité une édition reprint en 1970.
Il a habité pendant de nombreuses années l’hôtel du cardinal Dubois et j’ai eu l’occasion de l’y rencontrer pour lui présenter l’Histoire de la Sarthe que j’ai dirigée aux éditions Bordessoules, ouvrage dont René Plessix a été l’un des principaux auteurs. Á la mort de l’abbé Lemeunier en 1986[16], Maurice Vanmackelberg, qui a commencé à écrire dans La Province du Maine ses remarquables articles sur les orgues du Maine, devient directeur de la revue et après le décès du chanoine Baret en 1987, c’est Mgr Gouet qui est nommé président de la Société historique du Maine.
Monseigneur Gouet (1987-1988)
Le conseil d’administration nomme ce Sarthois, né à Fillé en 1910, pour remplacer le chanoine Baret. Il est protégé par le cardinal Grente qui lui fait compléter ses études théologiques à Rome. Il quitte la Sarthe quand il est nommé directeur du Secrétariat général de l’épiscopat français. Il le reste jusqu’en 1966 où il est nommé évêque auxiliaire de Paris. Il démissionne en 1982 pour raisons de santé. Dans le cadre de sa fonction de directeur du secrétariat des évêques française, il assiste au concile Vatican 2[17] et en 1962, lors de la première session, il négocie à Paris l’octroi de subventions aux Instituts catholiques français, ce qui l’amène à rencontrer le général De Gaulle, le premier ministre Pompidou et le ministre de l’Éducation nationale Pierre Joxe ; dans cette discussion très serrée, le courtois et mesuré Mgr Gouet en vient à dire « Je ne suis pas Ben Bella ». Il est présenté par le cardinal Etchegaray comme un « prélat aux pas feutrés et aux mots voilés qui cultivait une classe politique soucieuse de rendre cordiale la séparation de l’Église et de l’État[18]… »
Mgr Gouet semble avoir toutes les qualités pour succéder au chanoine Baret et il va pendant son court mandat recevoir souvent le directeur de la publication, secrétaire général et trésorier de la Société. Dans une assemblée générale, il demande d’ailleurs que l’on aide Maurice Vanmackelberg. Dans la notice nécrologique qu’il écrit après la mort brutale en 1988 de Mgr Gouet, le chanoine Jean Bouvet, un des membres du bureau, souligne les qualités de diplomatie, la volonté de trouver des solutions à tous les problèmes, de cet homme soucieux de travailler dans un climat d’amitié. Il termine sa notice en espérant que l’exemple de Mgr Gouet soit utile à ses successeurs ; « Du moins l’exemple qu’il nous donné, pendant cet espace trop court, ne manquera pas d’inspirer ses successeurs dans l’orientation d’une revue moins portée à des polémiques sans issue qu’à une recherche sereine de la vérité historique[19]. »
1988-2022 : de Thierry de La Bouillerie à René Plessix
Le Conseil d’Administration du 18 février 1989 constitue un tournant dans l’histoire de la Société. C’est lui qui choisit comme président le comte Thierry de La Bouillerie. Il confirme Maurice Vanmackelberg dans toutes ses fonctions, René Plessix est secrétaire adjoint et Damien Castel entre au bureau de la Société. Après le décès de Maurice Vanmackelbergn, Damien Castel assume la direction de la revue pendant quelques années et à partir de 1999 il est remplacé par René Plessix.
René Plessix a fait évoluer la revue dans la présentation et dans le contenu, en infléchissant celle-ci en particulier dans la publication de nombreuses études statistiques, caractéristiques des travaux universitaires de ces années 2000. Il décide aussi de passer à un rythme semestriel, avec l’accord des membres du bureau. Il fait le choix de mettre en place des numéros thématiques et surtout d’ouvrir la revue à la publication de colloques organisés par la Société ou par d’autres associations. Ces publications sont aujourd’hui une des grandes références de La Province du Maine.
Dans le numéro du 120ème anniversaire de la revue, il rappelle, dans un article intitulé Anniversaire, l’histoire de la Société et de la revue et il affirme, dans cette histoire, un véritable tournant : « Dernière née, au XIXe siècle des sociétés savantes locales, La Société historique de la Province du Maine a, comme elles, exploré le passé lointain, moins explosif que la mémoire récente, et contribué à ouvrir les artères d’une mutation tranquille. Aujourd’hui, « sans caractère ecclésiastique », le renouveau de l’histoire, manifeste déjà depuis une quarantaine d’années, lui ouvre de nouvelles voies[20]. »
Après le décès de René Plessix, une nouvelle organisation a été mise en place, qui doit gérer la revue et aussi le siège social de la Société. Cette présentation de la Société montre bien évidemment le rôle capital des ecclésiastiques dans son histoire et elle acte que cela est terminé aujourd’hui. Le nouveau bureau est face à un défi : nous appuyer sur cette histoire pour faire évoluer La Province du Maine. Histoire et patrimoine sont deux mots qui figurent sur la couverture de la revue : pour les responsables de la revue aujourd’hui, cela reste bien évidemment au coeur de notre réflexion, en l’élargissant au patrimoine vivant en particulier. Les fondateurs de la revue étaient de grands collectionneurs mais ils ont aussi, dès les premiers numéros de la revue, fait connaître les créateurs de leur époque.
André Lévy, Président de la Société historique de La Province du Maine.
Sources
[1]Frédéric LEMEUNIER, La Province du Maine de 1893 à 1960, dans La Province du Maine, 2ème table des matières (1921-1960), 1967. Cet article constitue la source essentielle de cette présentation de la société jusqu’en 1960.Je m’appuierai également sur des recherches personnelles dans La Province du Maine.
[2] Ibid., p.4.
[3] Archives de Mayenne, fonds Angot, cité par René Plessix, Les sociétés savantes et quelques-uns de leurs membres, Actes du 134eCongrès national des sociétés historiques et scientifiques, Bordeaux 2209, Éditions du CHTS, Paris, 2011, p.124. https/www.persee.fr/doc/acths_1764-7355_2011_act_134_6_2024
[4] René PLESSIX, op.cit., p.124.
[5] Ibid.,p.121. Il a participé activement aux publications de la société en éditant, seul ou en collaboration les tomes I, III, IV et IX de ces Archives historiques du Maine.
[6] Abbé René BARET, le chanoine Bruneau, (1858-1944), tiré à part de La Province du Maine, T. XXX, XXXI, XXXII,1950-1952, Laval, 1952.
[7] René BARET, Un collectionneur manceau Albert Rinjard(1875-1963), La Province du Maine, octobre-décembre 1964, p. 128-164.
[8] Frédéric LEMEUNIER, Essai de bibliographie, Articles et conférences, La Province du Maine, octobre-décembre 1961, p.202-209.
[9] Abbé Frédéric LEMEUNIER, op.cit. p.11.
[10] Camille DELÉTANG, Entre nous, La Province du Maine, janvier-mars 1939, p.15-17.
[11]Camille DELÉTANG, Nous continuons, La Province du Maine janvier-mars 1940, p.1-3.
[12] Pierre CHESNIER, Hommage à Camille Delétang (1886-1969), La Province du Maine, n°102, 2ème semestre 2017, p.165-172 et dans le numéro 95, l’in memoriam que lui avait consacré René Plessix comportant un article de Charles Spitz et la lettre de démission de Camille Delétang comme président de la fédération André Maginot, p.162-166.
[13] Michel Rosier, La difficile libération de La Dépêche du Maine, dans La Province du Maine ; n°88- 2ème semestre 2010, p.243-290. Article très documenté et très important pour l’histoire de la vie politique en Sarthe à cette époque.
[14] Pour avoir les titres de ses articles, voir le site internet de La Vie Mancelle & Sarthoise.
[15] René Baret, Une Revue La Province du Maine pendant la dernière guerre (1939-1944), dans La Province du Maine, octobre-décembre 1983, p.451 457. Sur le chanoine Baret voir aussi la longue notice qui lui est consacrée, signée par le Bureau dans La Province du Maine d’avril-juin 1987, suivie d’un essai de bibliographie.
[16] L’abbé Frédéric Lemeunier (1919-1986), dans La Province du Maine, juillet-septembre 1986.
[17] Journal conciliaire de Monseigneur Émile Blanchet Première session dans Transversalités 2012/1 N°121, p.59 et 60.
[18] Jean-Pierre Moisset, La laïcité française de 1958 à 1969 : nouvelles approches, dans HISTOIRE@POLITIQUE2013/3.(N°21), page 8, Éditions Centre d’Histoire de Sciences Po.
[19] Chanoine Jean Bouvet, Monseigneur Julien Gouet ‘1910-1988), La Province du Maine, mars-avril 1989,
[20] René Plessix, Anniversaire, La Province du Maine, N°94, 2ème semestre 2013, p.165-205.
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