L’œuvre trimestrielle #1

Bienvenue dans cette rubrique « L’œuvre trimestrielle ». Pour la première œuvre de cette rubrique, nous vous présentons une réalisation de Lionel Royer, intitulé « Œdite au cou de cygne reconnaît la mort d’Harold« .

Les fonds artistiques et patrimoniaux de la Province du Maine sont riches d’environ 180 œuvres et objets d’art (tableaux, sculptures, dessins, gravures…) donnés par les membres de la société depuis sa création. Cette collection est en cours d’inventaire et d’étude. Pour des raisons de sécurité, elle a été transférée dans une réserve extérieure.

Ces objets d’art, destinés à orner les locaux de la société, avaient aussi, dans l’esprit des donateurs, vocation à rendre hommage aux  membres fondateurs et membres actifs de la société. Ainsi, les portraits sont-ils nombreux, ceux du  cardinal Dubois et du chanoine Ambroise Ledru en particulier, mais aussi ceux des chanoines Baret et Denis.

Le fonds est intéressant aussi parce qu’il conserve de nombreuses œuvres d’artistes locaux ou attachés au Mans : Théodore David, Diogène Maillart, Julien Chappée, Jules Hervé-Mathé, Camille Delétang, Monanteuil, Grouas, Morancé, Barcat, Ledru… Parmi ceux-ci, Lionel Royer est bien représenté: en effet la collection conserve sept œuvres de cet important artiste, dont la carrière est jalonnée par de nombreuses commandes officielles.

Lionel Royer est né à Château-du-Loir en 1852 ; il meurt à Neuilly-sur-Seine en 1926. Après ses études à l’École des Beaux-Arts de Paris dans les ateliers de Cabanel et de Bouguereau, il obtient le second Premier Grand Prix de Rome de peinture en 1880 sur le sujet La reconnaissance d’Ulysse et de Télémaque. Cette récompense prestigieuse lui ouvre la voie vers une belle carrière d’artiste « officiel ». Il fut essentiellement un peintre d’Histoire, comme en témoignent son tableau le plus célèbre Vercingétorix jette ses armes aux pieds de Jules César (1899, musée Crozatier, Le Puy-en-Velay), et son cycle de peintures murales sur la Vie de Jeanne d’Arc pour la basilique de Domrémy. Il fut aussi un portraitiste recherché.

Plusieurs église du Mans conservent de ses œuvres : un grand Christ en Croix dans la cathédrale (chapelle du Crucifix), une belle Vierge de Pitié dans l’église de la Visitation, des compositions murales à Saint-Benoît et à Notre-Dame du Pré. Certaines de ses œuvres sont au musée de Tessé, tandis que la Société Historique et Archéologique du Maine conserve les maquettes aquarellées de ses projets de vitraux pour la cathédrale d’Orléans sur la Vie de Jeanne d’Arc, qu’il présenta en 1893 mais qui ne furent pas réalisés.

De Lionel Royer, la Province du Maine possède des portraits du chanoine Ledru, une Vue du petit portail de la cathédrale, mais aussi, grâce à l’entremise du chanoine auprès de Marguerite Torchet, fille aînée du peintre, deux grands dessins (maquettes du  monument aux morts de Notre-Dame du Pré),  et deux très belles esquisses, œuvres de jeunesse de l’artiste : l’une, de 1880, représente Vénus protégeant le corps d’Hector (esquisse pour le tableau conservé au musée de Tessé). La seconde est plus ancienne (1877) et date des années où Royer était élève à l’École des Beaux-Arts. Il s’agit sans doute d’un sujet de concours,  tiré de l’histoire médiévale, identifié par une inscription au dos sur le chassis: « Oedite au cou de cygne reconnaît le corps d’Harold qui avait été son amant et que les moines ne purent reconnaître parmi les cadavres mutilés » (huile sur toile, signée des initiales et datée 1877, 33 cm x 41 cm). Le sujet, tiré de l’histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, avait déjà été traité 50 ans auparavant par Horace Vernet, dans une composition monumentale aujourd’hui conservée au musée Thomas-Henry de Cherbourg. A la mort du roi Edouard le Confesseur, le 5 janvier 1066,  Harold II accède au trône d’Angleterre. Il doit bientôt défendre sa couronne contre le duc Guillaume de Normandie – futur Guillaume le Conquérant – qui prétend lui aussi avoir des droits à la succession d’Edouard. Leurs deux armées s’affrontent à Hastings. Selon la tradition – reprise notamment dans la célèbre broderie de Bayeux – Harold aurait été tué d’une flèche dans l’œil. À la fin de la bataille, le roi étant défiguré, on fait venir sa maîtresse, Ealdgyth Swanneck, c’est-à-dire Édith-au-cou-de-cygne, qui reconnaît son corps grâce à une marque de naissance connue d’elle seule. La composition, très dramatique, est construite autour du corps blafard d’Harold, auprès duquel se précipite Edith éplorée. A ses côtés, se tiennent trois moines accompagnant Edith pour la pénible reconnaissance du cadavre. Autour du groupe principal, la fureur de la bataille est suggérée par des armes abandonnées, par le pied d’un soldat mort aux côtés du roi. Au second plan, d’autres silhouettes de moines se détachent sur un fond de ciel tourmenté qui contribue à la dramatisation de la scène. Dans le format très modeste d’une esquisse, Royer démontre une parfaite  maîtrise de la composition, et un sens du drame qui annoncent  ses grandes œuvres historicistes.

L’œuvre est actuellement en mauvais état. Présentée autrefois dans la grande salle de réunion de l’hôtel Saint-Jacques, elle est une des victimes de l’effondrement partiel du plafond de cette salle survenu il y a quelques années.La toile est crevée en deux endroits. Fort heureusement, il n’y a pas de manque, et le tableau reste assez aisément réparable. Des devis ont été demandés à deux conservatrices-restauratrices qui travaillent dans la Sarthe : chacun s’élève à environ 1400 €. 

Œdite au cou de cygne reconnaît la mort d’Harold

Auteur : Lionel Royer

Matière et technique : Huile sur toile

Dimensions : 33 cm x 41 cm

Date de création : 1877

Mode d’acquisition : Don

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